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michel henritzi
5 février 2022

SHINJUKU NO KAGE, chronique par Benjamin Mouliets

TETUZI AKIYAMA / MICHEL HENRITZI "Shinjuku No Kage", Dyin'Ghost records - 2022

Chez certains rêveurs, les moutons électriques sont de poussière. Michel Henritzi aime enfiler sa tenue de passe-murailles dès lors qu’il tend la main à ses homologues nippons, tels que Tetuzi Akiyama, pour les embarquer dans des projets sonores défiant la logique de l’espace : les collaborations qu’il engage s’élaborent parfois de loin, depuis Metz vers Tokyo, ville tentaculaire dont il fantasme les ruelles. Pour ce duo, le temps s’est arrêté peu avant minuit, à Shinjuku, ou plus précisément à Golden Gai, micro-quartier irréductible où d’autres âmes lasses viennent s’isoler en quête d’intime. On se représente bien ces deux-là sous une pluie battante, frôlant le pavé à la lumière d’un néon fatigué, errant d’un refuge à un autre sous le patronage d’un squelette aux lunettes noires. La mélancolie exprimée par le tissage post-blues, ténu, fragile, aux délicats entrelacs et autres heureux accidents, sied à ce lieu-capsule de l’ère Showa qui hante le bocal d’Henritzi sous son inséparable casquette. Ainsi se fixent musicalement des souvenirs lui collant à la peau comme de la suie. On imagine donc deux épaves dérivant à Uramado où dansent les ombres, noyant leur chagrin dans un verre de shochu, avec pour toute compagnie le simulacre félin de Maki Asakawa. Histoire d’un dialogue sans parole, qu’un lustre peine à éclairer mais qui, pourtant, donne aux particules en suspension leur reflet doré. Sans vrai début ni fin, comme une nocturne de Loren Connors jouée à quatre mains, le disque créé avec Akiyama exsude le parfum prégnant d’une clope écrasée dans le vide qui rendrait sa dernière volute. Et, malgré la torpeur dans laquelle nous plongent, à coups de bottleneck, les couches successives de ce cocon ténébreux, on croit voir poindre une lueur au fond de nos orbites. Est-ce un hasard si le deuxième sens de « kage », une fois passé le nuage sur notre front, est celui d’une « forme reflétée par la lumière » ?

Benjamin Mouliets in Guts of Darkness

https://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=21954

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